vendredi 16 janvier 2015

Filtre d'humour.



Je suis sidérée, atterrée, paralysée par une tristesse abyssale plusieurs jours, puis je sors enfin de la torpeur... Une bande d'imbéciles a dézingué Charlie Hebdo.
Monde de dingues, pré-apocalyptique.
Merde ! Où est passé mon sens de l'humour ? J'ai dû le perdre par là, dans un coin de mon chagrin...
Je déplore, incapable d'analyse politique pour le moment. Bon, mais qu'est ce que je peux faire ? Rien. Ça me rend dingue !

Il y a l'union nationale, c'est beau, ça réchauffe le cœur de partager la tristesse.
Christophe Alévêque m'a rendu le sourire en disant dimanche soir sur Fr2 qu'on avait échappé à l'union sacrée mais pas au glas de Notre Dame de Paris (voyez ). Bref, c'est chouette mais il faudrait voir à éviter de se bercer d'illusions, ça ne va pas durer, déjà, certains imbéciles recommencent à dire des conneries justifiant ces meurtres. Mercredi, à la parution du numéro 1178, les représentants religieux, qui lisent très sûrement Charlie pour la première fois, trouvent à redire, les journaux anglais n'osent pas montrer la couv... C'est sûr, l'impertinence, ça fait chier la bienpensance...

J'ai 42 ans. Je fais partie de cette génération à qui Charlie Hebdo a donné le sens critique et la conscience politique : La génération Charlie Hebdo.
Bon, je ne le lis plus tous les jours, sinon je reste tout le temps révoltée et moqueuse et du coup, j'ai des difficultés à m'intégrer socialement... Hé hé. Et puis même si la plupart du temps ça me fait marrer, j'ai souvent eu envie de tordre le cou de Philippe Val, je n'étais pas toujours d'accord avec Cavanna, j'ai eu souvent envie de gifler Siné, parfois je trouvais Choron super bas de plafond, je trouvais moches les dessins de Wolinski et à chier l'excessive scatophilie de Charb. N'empêche, je continue à le lire, de loin en loin, ce con de journal, en alternant avec Causette.
A 4 ans, j'ai appris le sens de l'humour avec Cabu à Récré A2, même si mes parents n'en sont pas démuni, ils ne dessinent pas aussi bien. J'ai compris ce qui se passe dans la tête d'un homme obsédé sexuel grâce à Wolinski et j'en ai rencontré souvent par la suite. Bernard Maris a fait mon éducation économique depuis 1997, d'abord une fois par mois avec le Monde Diplo, puis 2 fois par semaine grâce à Charlie et France Inter. J'ai parfois hurlé de rire ou glousser sarcastiquement grâce à Charb et sa rubrique "Charb n'aime pas les gens" sans parler de Maurice et Patapon, et je me suis attachée à chacun d'entre eux, Honoré, Tignous, Luz, Willem, Coco, Catherine, Luce Lapin, Riss et les autres, au fil des années.

Ce matin j'ai été un con comme les autres. Levée tôt, je me suis préparée avec précision, je me suis motivée pour relever le défit, sortir de ma zone de confort, ma réserve moqueuse habituelle, je lutte contre moi. Si je veux réussir à lire ce putain de numéro 1178, va falloir se magner !
Je me sape en mode furtif, je m'équipe en mode minimum, un simple porte monnaie en poche, il faut être léger, et je me dépêche d'aller au point de vente, un supermarché. Je bats le pavé avec une foule d'une cinquantaine de personnes silencieuses, les portes s'ouvrent, nous pressons le pas, le personnel du supermarché nous hurle de nous calmer et ajoute du stress et de la compétition, "calmez-vous ok ! De toute façon il y en aura pas pour tout le monde, y en a que 50 !", gros cons. Je feinte en prenant un passage moins fréquenté pour me permettre d'être plus rapide, j'arrive la 5e, un employé essaye de me convaincre de me mettre à la fin de la file des retardataires. Bâ ui, bien sûr ! Compte là-dessus !... Ça y est, je l'ai ! Bordel !
Sans déconner ! J'ai fait la course dans un supermarché pour m'acheter un truc, moi ! Une écologiste résistante aux soldes, une adepte de la décroissance et de la philosophie du peu ! Moi... Ça remet en perspective l'idée qu'on espère de soi-même...



Irrévérencieux, provocateur, anticlérical acharné, fervent praticien du blasphème en rafale, humaniste, antiraciste, partisan de la laïcité forcenée, potache, gamin, satirique, de gauche quoique sans concession, pourfendeur de la connerie humaine sous toutes ses formes, Charlie fustige les cons et on est tous des cons. Comme Molière avant lui, Charlie nous met notre nez dans notre caca, ça indispose souvent, et même une fois, ça a rendu fou 2 mecs, des enfants perdus de la République, devenus des fous d'Allah.
Et ces cons sont morts, en croyant bien faire ! Ça sent le roussi... Ils ne devaient pas s'attendre à rôtir en enfer. "Tu ne tueras point" on t'a dit ! C'est dans tous les livres saints en plus ! C'est la base de l'humanité !

J'entends les gens offensés par leurs petits croquis, mais la réponse fut disproportionnée, vous ne croyez pas ? Les extrémistes ne savent pas répondre à armes égales. A présent, faisons attention à ne pas trop trop armer les gens qui ne sont pas équipé du sens de l'humour, c'est dangereux, et pas que pour la liberté de pensée...

Charlie c'est un filtre, il transforme la colère générée par la connerie en poilade rigolarde, Charlie, c'est un philtre d'humour.

Et à force de faire l'humour partout tout le temps, ils ont fait des petits partout dans le monde.

Merci. Je vous aime. Ne lâchez rien.


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